Fragonard - Marguerite Gérard. Une révélation, des propositions. Exposition mars 2025 - Catalogue - Page 83
dans l’atelier de Fragonard
guidé par Le Marchand d’images
(ill. 15), l’une des planches de ce
recueil dédié aux petits métiers
et vendeurs ambulants des rues
parisiennes, dont Marguerite Gérard
a probablement eu connaissance
dans l’atelier de son beau-frère.
Au 73iiie siècle, les représentations du
peuple, gravées ou peintes, donnent
généralement une image édulcorée de
la réalité : les femmes y sont toujours
jeunes et jolies, les personnages bien
habillés et semblant satisfaits de
leur sort. Louis Sébastien Mercier,
dans son Tableau de Paris (1782),
a dénoncé le caractère mensonger
de ces représentations, en prenant
pour exemple les laitières imaginées
par Greuze : « Ces laitières en cotte
rouge, basanées et le plus souvent
ridées, ne ressemblent pas à celles que
Greuze a dessinées [...]. Greuze a fait
des portraits de fantaisie ; mais ces
)gures voluptueuses et séduisantes
qu’il s’est plu à représenter ne sont
pas celles qui viennent nous vendre
du lait, du beurre et des fruits25. »
De même, il est bien di,cile de
reconnaître dans La Vielleuse au teint
rose et à l’allure pimpante brossée
par Fragonard (ill. 12) la fameuse
Françoise Chemin, née en 1737, dite
« Fanchon la vielleuse », célébrité des
rues connue pour être « une solide
25. Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris,
Amsterdam, 1782, t. II, pp. 205-206.
ill. 15 : comte de Caylus
d9après Edmé Bouchardon,
Le Marchand d9images,
tiré de la suite représentant des
Études prises dans le bas peuple ou
Les Cris de Paris,
troisième suite, estampe,
collection particulière.
gaillarde, aimant le vin et la bagarre
et dont s’inspirèrent les auteurs de
théâtre et les chansonniers26 ». La
belle jeune femme du tableau de
Portland (ill. 13), élégamment coiffée
d’un )chu noué autour du cou, les
lèvres et les joues colorées, le corsage
décolleté, tient, posée sur une borne,
une boîte entrouverte dans laquelle
on distingue une marmotte, animal
que les Savoyardes exhibaient alors
dans les rues de Paris. Fragonard,
qui cherche avant tout à séduire,
peint des )gures idéalisées, dans
des scènes de genre sans doute
26. Fragonard. Les plaisirs d’un siècle, op. cit., p. 104.
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